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Conclusion
Uit: Wijsgerig taalgebruik in de redevoeringen van Gregorius van Nazianze tegen de achtergrond van de neoplatoonse metafysica
© Henri Oosthout | 1986

Nous avons examiné les exposés de Grégoire sur trois questions primordiales de la théologie: le problème de la trinité, le rapport entre Dieu et sa création, et le retour de l’homme vers Dieu. Ces questions n’ont pas été choisies sans raison. Elles peuvent être comparées aux trois thèmes principaux de la métaphysique néoplatonicienne: le rapport entre unité et pluralité, la relation entre la cause première et les hypostases inférieures, et le retour des hypostases vers leur origine. Résumons maintenant nos observations sur la terminologie philosophique employée par Grégoire et son rapport avec le néoplatonisme.

Avant tout on peut poser la question suivante: Le Cappadocien dispose-t-il vraiment d’une terminologie philosophique? Pour ce qui est des questions examinées ici, la réponse doit sans aucun doute être affirmative. On trouve chez le Cappadocien les mêmes notions philosophiques toujours exprimées par les mêmes expressions. La signification de celles-ci peut dans tous les cas être déterminée assez nettement et des textes où elles s’emploient se laisse dégager une pensée cohérente.

Il nous faut y ajouter deux observations sur la façon dont le Nazianzène compose ses Discours. En premier lieu, Grégoire a coutume d’insérer ses exposées sur des thèmes philosophiques et théologiqjes sous forme de brefs paragraphes ne comportant parfois que peu de phrases. Comme ces paragraphes contrastent avec le reste des discours dont ils font partie, on a l’impression que Grégoire les a composés séparément, et avec soin, comme de petits traités philosophico-théologiques. Les Discours Théologiques, qui sont consacrés dans leur entier au dogme de la trinité, occupent toutefois une place à part. En deuxième lieu il faut noter que Grégoire aime répéter plusieurs fois les expressions qu’il juge particulièrement réussies. Il en résulte que certaines expressions que l’on voudrait ranger parmi le vocabulaire philosophique, se retrouvent dans un contexte tout à fait différent.

A quel point la terminologie philosophique de Grégoire est-elle originale? Le Cappadocien ne forge pas de termes nouveaux. C’est en partie à l’Ecriture, et en partie à la langue philosophique païenne, qu’il emprunte sa terminologie. Son originalité se fait cependant jour dans le traitement systématique de certains termes, dans l’utilisation de ces termes pour illustrer une certaine notion philosophique, dans l’accent mis sur une certaine acception d’un terme, et enfin dans l’élaboration de locutions et formules remarquables, qui se distinguent par leur concision aussi bien que par leur précision et leur clarté.

Quant au rôle du néoplatonisme dans tout cela, nous avons pu faire les constatations suivantes. On n’obtiendra pas une idée claire et juste de l’influence du platonisme sur Grégoire de Nazianze, si l’on ne tient pas compte de l’apport du néoplatonisme. Il se rencontre chez le Nazianzène de nombreux termes que l’on trouve déjà chez Platon. Au temps de Grégoire ces termes faisaient depuis longtemps déjà partie du vocabulaire philosophique et ils sont employés par des écrivains chrétiens bien avant Grégoire. C’est pourtant dans les écrits des néoplatoniciens et de Plotin en particulier, et non pas dans ceux de Platon, qu’il faut chercher des équivalents à la terminologie grégorienne exprimant les notions d’unité et de pluralité, a la terminologie de l’écoulement et de la lumière désignant, au sens métaphorique, la manifestation de Dieu dans sa création, et à la terminologie à propos du thème du retour vers soi-même et vers l’origine. Il serait faux de croire, comme le veut par exemple H. Pinault, que les analogies entre la terminologie de Grégoire et celle de Plotin se limitent au vocabulaire philosophique courant employé déjà par Platon.

Il serait également faux de baser la comparaison entre Grégoire et Plotin sur une représentation trop simplifiée et trop grossière de l’ensemble des notions philosophiques employées par ce dernier. On observe encore dans l’article récent de M. C. Moreschini sur le platonisme de Grégoire sur quelques points essentiels un manque de précision dans l’analyse des textes aussi bien de Grégoire que de Plotin. D’un tel manque de précision provient la supposition erronée que Grégoire rejette explicitement la terminologie plotinienne, en particulier celle des métaphores de l’émanation. Au contraire, le Cappadocien ne s’oppose nulle part aux acceptions que Plotin donne à certains termes.

L’influence du néoplatonisme sur Grégoire est indéniable, mais elle n’a pas pris la forme d’une adoption pure et simple d’un système ou d’une terminologie philosophiques. Le néoplatonisme, chez Grégoire, est présent sans s’imposer. Il joue plutôt un rôle de stimulant à 1’arrière-plan. La terminologie développée par le néoplatonisme a stimulé le Cappadocien à trouver des formulations appropriées à certaines questions théologiques, surtout dans les cas où il avait déjà intuitivement atteint des résultats semblables aux solutions que le néoplatonisme avait trouvées à certaines problèmes philosophiques.

Il ne faut pas chercher les analogies entre la terminologie de Grégoire et celle du néoplatonisme seulement dans l’emploi des mêmes termes et expressions. Ce qui est également notable, c’est le fait que certains termes et expressions qui ne proviennent pas du (néo)platonisme reçoivent chez Grégoire dans un contexte déterminé une coloration néoplatonicienne. Surtout notre chapitre sur la terminologie de l’émanation en fournit des exemples.

Grégoire se sert de la terminologie néoplatonicienne, pas en l’imitant, nais en l’appliquant librement on tant qu’elle convient à l’expression de ses idées. Un terme peut chez Grégoire être employé dans une acception qui n’est pas l’acception prédominante du terme chez Plotin. Dans d’autres cas le Cappadocien choisit un terne qui fait partie du vocabulaire (néo)platonlclen, sans qu’il soit chez Plotin l’expression la plus courante d’une certaine notion. Si Grégoire s’écarte du néoplatonisme, en modifiant l’acception et la fonction de certains termes, c’est pour trois motifs. D’abord, le dogme chrétien force le Cappadocien d’associer à la fois la notion d’unité et celle d’être à la conception de Dieu; la distinction réelle de Plotin n’est chez Grégoire qu’une distinction d’ordre logique. Puis, nous avons pu observer que c’est sous l’influence de la tradition biblique et chrétienne, que l’emploi grégorien de la terminologie de la lumière diffère notablement de celui de Plotin. Finalement, les différences que nous avons observées à propos de la terminologie du retour et de la contemplation, s’expliquent surtout par une divergence d’opinions sur les possibilités offertes à l’homme pendant sa vie terrestre d’entrer en contact avec le divin.

Grégoire a-t-il lu lui-même les écrits de Plotin? Nul doute qu’il a pris connaissance, probablement surtout pendant sa jeunesse, de la pensée néoplatonicienne. Cette connaissance ne s’est sans aucun doute pas limitée aux idées et aux expressions qui étaient déjà courantes chez des écrivains chrétiens avant Grégoire, en particulier chez ceux de l’école d’Alexandrie. On a donc de bonnes raisons de supposer que Grégoire a lu les oeuvres principales notamment de Plotin. Vu l’emploi libre que Grégoire fait de la terminologie néoplatonicienne, il est cependant improbable, que il ait fréquemment lu et étudié des écrits néoplatoniciens pendant ses années d’activité littéraire.

© Henri Oosthout |